La pleine conscience quand un proche est en train de mourir

Écrit par Phil Bluckert (en anglais)

dieuMon père a été diagnostiqué d’un cancer du pancréas en phase terminale le 19 novembre 2015. Son état s’est vite aggravé et il est décédé le 8 décembre 2015. Ce temps a constitué un vrai défi pour notre famille et nos amis proches. La rapidité de la détérioration de l’état de mon père, en particulier, a constitué un réel défi. Des séries complètes de chocs se suivaient d’un jour à l’autre. Recevoir un diagnostique de cancer en phase terminale est un grand choc, mais nous avions commencé par penser que mon père resterait peut-être encore 6 mois avec nous. Au lieu de cela, il en a eu pour environ trois semaines.

Parce que cela s’est fait si vite, il a été difficile d’amener de l’acceptation au sein de la situation. L’acceptation est un moyen très utile de gérer un évènement traumatisant. J’ai vu qu’elle avait aidé mon père au moment où il venait de recevoir le diagnostic. Il nous a présenté le diagnostique comme un état de fait, avec beaucoup d’acceptation. Il pensait « Bon, il me reste encore cela de temps pour faire des choses » plutôt que « Eh bien, j’en ai plus pour longtemps. » Il appréciait le fait d’être en vie. Il a aussi réalisé qu’à un moment donné, nous allions tous mourir.

Cependant, je réalise qu’on a besoin de l’acceptation sur une base régulière, et pas seulement dans le cas d’un événement unique, comme dans le cas de la réponse de mon père au moment où il a initialement reçu le diagnostique. Nous avons besoin de l’acceptation tout au long de notre vie, de ce moment à cet autre moment qui suit, sans discontinuité. C’est ici qu’on peut sentir l’utilité particulière de la pleine conscience, du fait qu’elle nous permet d’être ancrés dans le moment présent. Nous traversons un choc soudain et nous pouvons nous arrêter au moment où nous sommes sous ce choc. Nous faisons l’expérience des sensations dans notre corps et nous explorons pour découvrir où est-ce que la tension est concentrée dans notre corps. Nous portons toute notre attention sur cette tension, et cela nous permet de relâcher cette tension.

Cette pratique m’a aidé à générer l’acceptation dans la vie quotidienne. J’ai eu le sentiment d’une mini-guérison de mon état de choc, ce qui a créé un espace dans lequel l’acceptation pouvait surgir. La peur et le désespoir bloquent l’acceptation, et j’ai donc été aidé par la pratique qui consiste à transcender la peur et le désespoir en ramenant l’attention mentale au corps.

Être libre de tension dans mon corps m’a naturellement amené à être libre de tension dans mon esprit. J’ai eu plus de clarté d’esprit sur les implications de ce qui était en train de se passer dans ma famille. Cette clarté d’esprit m’a surtout permis de réaliser à quel point étaient précieux les moments que j’avais encore à passer avec mon père. Je me souviens avoir dit à ma famille plus d’une fois: « Nous sommes encore ensemble en ce moment même. C’est un instant précieux. »

Avec un tel état d’esprit, j’ai vraiment vécu des moments merveilleux avec ma mère, mon père, et ma soeur quand nous étions ensemble. Il y a eu des moments de connexion encore plus profonde, que je pensais n’arriveraient peut-être pas, avec mon père. Je chéris réellement ces moments. Je me souviens lui avoir lu des histoires, être resté réveillé avec mon père six nuits d’affilé, et avoir préparé des repas liquides exprès pour lui. Nous nous tenions les mains. Mon père a pressé ma main après que je lui aie dit que je l’aimais tendrement, sachant que nous n’avions pas souvent partagé ce type de lien émotionnel.

En un sens, cette pratique de relâcher la tension dans le corps, de trouver de la clarté d’esprit et de l’acceptation, m’a fait réaliser ce qui était vraiment important, et, sans en rester là, m’a amené à agir en fonction de cette prise de conscience. Je me remémore ces dernières trois semaines pendant lesquelles mon père se détériorait rapidement; il y a eu beaucoup de précieux moments, et je suis vraiment reconnaissant.

Il n’est pas habituel d’être reconnaissant pour tant de choses quand les circonstances sont si difficiles, mais ma propre expérience me montre que c’est possible. Ce que j’aimerais par dessus tout, c’est que d’autres personnes qui sont dans une situation similaire découvrent cela pour eux-mêmes. La pratique de la pleine conscience constitue la clé. Il est possible de faire un sage usage des moments passés avec un proche qui s’apprête à mourir et de trouver des moment de connexion profonde. S’il y a quoi que ce soit que nous ayons besoin de dire, nous pouvons trouver une façon de le lui dire. S’il y a quoi que ce soit que nous ayons besoin de partager, nous pouvons trouver un moyen de le partager.

Depuis la mort de mon père, m’emplir l’esprit de gratitude m’a aidé à supporter ma perte. Il me suffit de me rappeler des choses pour lesquelles je suis reconnaissant, surtout des souvenirs de choses qu’on a fait ensemble. Quand l’esprit est emplit de gratitude, le désespoir n’est pas présent. Mais il faut aussi s’attendre à ce que toute une série d’émotions nous vienne par vagues. C’est parfaitement normal.

Bien sûr, il s’agit de voir la nature impermanente de ces émotions, mais il s’agit aussi de pratiquer l’art de la souffrance, qu’on trouve dans la tradition du Village des Pruniers. Nous trouvons des moyens d’entrer en contact avec notre souffrance, de la reconnaitre clairement pour ce qu’elle est quand elle se présente à nous, de l’embrasser complètement, et ensuite de faire l’expérience de sa transformation.

Dans des temps difficiles, il est très important d’avoir des amitiés spirituelles et d’être en contact avec la Sangha. Si vous ne voulez pas être lié aux autres et que vous préféreriez rester seul(e), ça va du moment que vous pouvez faire face à votre souffrance. Mais si cette souffrance vous dépasse, soyez soutenu par un ami ou la Sangha. Nous avons tous besoin de soutien quelques fois. Je pense que c’est une aide d’être avec des autres et de faire l’expérience de la communauté qui est à notre disposition dans ces moments difficiles. Avoir une communauté qui nous soutienne a été extrêmement rassurant pour notre famille.

Mon père était un membre de la chapelle unitarienne. Le soutien que nous avons reçu de la part des autres membres de la congrégation a été vraiment remarquable. On nous a aidé pour le transport, on nous a donné de la nourriture, et on nous a même offert de l’argent. Cela a rendu la situation plus facile. Je recommande absolument de se construire des relations dans le contexte d’une communauté, du fait du soutien mutuel qui s’y trouve.

Pour finir, je suis profondément reconnaissant envers les pratiques du Village des Pruniers pour toutes les visons profondes qui ont soutenu notre famille au cours de ces temps difficiles. Si vous faites face à des circonstances similaires dans notre vie, j’espère que vous aussi trouverez le soutien dont vous et vos proches avez besoin.

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