Écrit par David Viafora
Après notre Retraite Wake Up Oregon de mai dernier, lors de notre dernière journée ensemble, nous avons eu le cercle de partage du Dharma le plus extraordinaire auquel il m’ait été donné de participer durant la quinzaine d’années sur laquelle s’étend ma pratique. Collectivement, les gens qui prenaient part au cercle ont partagé avec plus de profondeur, de vulnérabilité, de confiance, et de courage, que toutes les fois dont j’avais été témoin. Faire cette expérience ensemble était impressionnant, cela ouvrait le coeur et rendait plus humble.
Une des formes les plus puissantes de pratique dans la tradition du Village des Pruniers est le partage du Dharma. Tout comme l’assise et la marche méditatives, le partage nous demande d’être présent à 100%, pour nous-même d’abord, comme toujours, et ensuite pour les autres. Dans le partage du Dharma, nous canalisons nos capacités de pleine-conscience et de concentration pour nous accorder à la fois aux mots et aux pleines expressions des autres alors qu’ils partagent, ainsi qu’à notre propre corps et nos réponses émotionnelles. Ce n’est nullement moins une pratique que d’autres formes de méditation. Cela dépend simplement de notre esprit.
Derrière la douleur, je pouvais entendre un espoir et une confiance profondes en la transformation, peut-être simplement parce que ce qui était dit se voyait partagé ouvertement dans une piece pleine d’amis remplis d’attention et de dévouement.
Assis à la cloche, j’ai ouvert le cercle avec trois sons, invitant tout le monde à commencer par revenir profondément en soi-même afin d’être pleinement vivant pour notre partage ensemble. Sachant que c’était notre seul partage de la retraite et ayant l’intuition que certaines personnes avaient des choses sur le coeur— sans exactement prévoir leur profondeur— j’ai ouvert l’introduction en encourageant tout le monde à partager avec une authenticité courageuse. Sachant que la peur peut amener les gens à se retenir de partager, j’ai dit: « C’est un don qu’on offre au cercle en partageant, et notre monde intérieur authentique va résonner en les autres ». J’ai ajouté: « Ceci est notre unique chance de vraiment partager ce qui est vivant pour nous et de recevoir la puissance collective de l’attention et de la compassion les uns des autres. Ne perdons donc pas cette opportunité ». J’ai partagé d’autres instructions de base et j’ai ouvert le cercle.
Dès que j’ai eu fini, certaines personnes ont déversé leur souffrance au groupe sans se retenir, aussi crue et vraie qu’elle demandait à être dite. Les premiers partages étaient très lourds, parce que les gens dévoilaient ce qu’ils ressentaient comme les parties « noires » et passées sous silence d’eux même. Il y avait un traumatisme profond dans la pièce, et pour la premiere fois pendant notre retraite, ce traumatisme était partagé ouvertement, avec douleur, et beauté. C’était à la fois douloureux à écouter, difficile à embrasser, et aussi incroyablement inspirant.
Derrière la douleur, je pouvais entendre un espoir et une confiance profondes en la transformation, peut-être simplement parce que ce qui était dit se voyait partagé ouvertement dans une piece pleine d’amis remplis d’attention et de dévouement. Certains de nos amis qui assistaient à une retraite pour la premiere fois ont partagé avec moi une fois la session finie qu’ils avaient eu peur que les personnes se dispersent et se brisent et que nous ne puissions pas contenir cette énergie ensemble ou évoluer vers un espace plus léger ensemble, du fait de la lourdeur de ce qui était partagé.
Avec une extrême sincérité, ils ont remercié le courage initial et l’ouverture des amis qui avaient partagé avant eux.
Il y avait eu un moment où j’avais pu sentir la lourdeur dans ls coeur de tout le monde au sein du cercle. Notre écoute profonde était en train d’absorber et même de partiellement faire l’expérience d’une parcelle de l’expérience de la personne qui parlait, partageant sa souffrance. Mais nombre d’entre nous avions assisté à de nombreux partages auparavant et nous savions le potentiel profondément transformateur de cette boue. Nous continuions à respirer, à écouter, et à prêter attention avec une puissante compassion à nos amis. Nous écoutions un long son de la cloche après chaque partage lourd en émotions, invitant chacun à revenir à son ancre de stabilité: le corps et la respiration. Après ces premiers partages, nous nous sommes assis en silence pendant plusieurs minutes à chaque fois, encore en train d’assimiler ce qui venait d’être dit, et permettant à notre respiration d’établir à nouveau stabilité et aisance. Au bout d’un certain temps, d’autres s’inclinaient et partageaient leur propre expérience, des encouragements, et la confiance en la résilience.
Quand nous en étions encore au début du partage, après quelques minutes passées à respirer en silence ensemble et alors que l’atmosphere était encore lourd et sombre, l’un des facilitateur de la retraite a offert une chanson dans laquelle il chantait d’abord une phrase qu’il nous invitait à répéter ensuite, et que certains d’entre nous connaissaient. Les gens se sont joints au chant doucement; la chanson a bientôt rempli la pièce d’une nouvelle lumière, nous élevant ensemble à un nouveau plan. Nous savions que la souffrance était encore là, mais nous avions aussi la luminosité de cette chanson et de cette joie ensemble. C’était comme si nous avions été en train de nous noyer dans un fleuve aux courants rapides, et que soudain, nous nous retrouvions à nager proche de la rive avec le fleuve d’un côté et la forêt et le soleil de l’autre. L’équilibre universel entre la souffrance et la joie était rétabli.
Peu à peu, d’autres ont partagé leur propre souffrance profondément enfouie— une souffrance qui n’avait pas vue la lumière de l’attention des autres pendant des années ou même pour toujours. Et avec une extrême sincérité, ils ont remercié le courage initial et l’ouverture des amis qui avaient partagé avant eux. Ils ont dit: « Si vous n’aviez pas partagé aussi ouvertement avant moi, je ne serais pas capable de partager ceci maintenant ». « Je partage maintenant parce que je me sens si ému par ce qui a été partagé jusqu’ici. Ça me donne le courage de le faire ». Ce qui avait d’abord était ressenti comme pénible, effrayant, ou honteux à partager avec d’autres devenait un flambeau de lumière et de confiance pour les autres. À partir de ce moment là, nous avons entendu des personnes partager des histoires et des facettes d’eux-mêmes qui étaient des joyaux profondément enfouis dans leur coeurs. Mais ils avaient besoin des outils de la compassion et de la sécurité pour les miner. J’aimerais pouvoir partager plus explicitement ce que les gens ont partagé, car c’était vraiment remarquable. Mais comme la confidentialité est un des principes sacrés du partage du Dharma, je ne pourrais oser le faire. Je vous fais confiance pour me comprendre.
À partir de la moitié de notre session ensemble jusqu’à sa fin, la compassion et la connection dans la pièce est devenue si forte qu’on pouvait pratiquement battre des bras et s’envoler en prenant élan sur elle. Presque tout le monde avait été ému aux larmes par la force des partages des autres, et pas seulement une fois mais à plusieurs reprises. En tant que facilitateur, j’ai reconnu le bonheur profond de ce moment et je me suis dit à moi-même: « C’est pour cela que nous sommes ici. C’est pour cela qu’on travaille pour préparer et tenir ces retraites pour les jeunes. Quelques fois, je l’oublie, mais en ce moment, je me rappelle plus que jamais ».
Après la clôture du cercle, alors que les gens sortaient de la pièce, j’ai regardé l’une de nos amies qui était toute nouvelle à la fois dans la pratique de la pleine conscience et dans l’expérience d’une retraite. Elle avait été la membre de notre retraite la plus silencieuse, introvertie, et socialement distante. Elle aussi avait été très émue par les partages, y compris par la puissance de sa propre expression qui avait auparavant était cachée dans sa vie. Mais après la clôture du cercle, qui a été la première à aller vers l’homme qui avait partagé en premier tant de sa peine et de sa souffrance au groupe? Sans aucune hésitation, elle a marché vers lui d’une démarche assurée, et avec un sourire dans les yeux, elle a semblé ouvrir les bras aussi grands que la Terre pour l’accueillir. Lui, il a souri de manière enfantine à l’intimité et à l’attention profondes qui lui étaient offertes et il a accepté son étreinte. Je me suis tourné de moitié de manière à ne pas perturber leur moment ensemble. Faisant face à l’autel des ancêtres, j’ai versé des larmes de profonde gratitude pour tout ce qui s’était passé. Cette pratique ouvre le coeur des gens et les remplit de compassion.
Depuis ce partage en cercle extraordinaire, je me suis demandé: quelles sont les conditions qui aident à créer des cercles de partage du Dharma qui sont transformateurs, porteurs de vision profonde, et guérissants? C’est la question qu’ont peut se poser en tant que facilitateurs. Bien sûr, ce ne sont pas tous les partages du Dharma qui peuvent ou ont besoin d’être aussi puissant que durant une retraite. Ils ont lieu au sein d’un environnement plus large, que ce soit une retraite d’une semaine ou une soirée de pratique ensemble. Tout ce qui précède et tout ce qui suit un partage du Dharma contribue et est présent au sein de ce cercle.
En prenant en compte la série des conditions qui encadre un partage, qu’est-ce qui soutient un cercle de manière à contribuer à l’allégement de la souffrance des participants et à leur murissement dans la pratique?
Voici quelques éléments qui me viennent à l’esprit, y compris sur le rôle d’un facilitateur de partage du Dharma:
- Inviter les gens à partager avec une authenticité courageuse. C’est une chose que nous devons toujours offrir aux autres quand nous partageons.
- Partager ses véritables expériences dans la pratique et dans la vie, plutôt que des idées.
- Autant que nous écoutons les autres, se souvenir de revenir à sa respiration et à son corps, établissant la pleine conscience en nous-même et dans la pièce. C’est un cadeau qu’on se fait à soi-même et qu’on fait aux autres, et cela augmente la qualité de notre écoute ensemble.
- Écouter avec curiosité et avec soin pour comprendre une autre personne. Si nous remarquons un jugement qui survient en nous, nous pouvons aussi reconnaître que nous ne sommes pas en train d’essayer de mieux comprendre l’autre personne; plutôt que cela, nous sommes en train de nous fier à nos propres vues. Cultiver la curiosité peut démanteler le jugement et nous laisser ouvert à en apprendre plus au sujet de l’autre personne et de nous-même.
- La pratique en dehors du partage du Dharma affecte la qualité de ce partage. La qualité de l’assise méditative, de la marche méditative, des enseignements, des repas ensemble, des périodes de silence… tout cela contribue aussi au partage du Dharma.
- Les activités qui rassemblent et rapprochent les gens en dehors des partages et des pratiques formelles comme les jeux, le chant, les conversations, et juste passer du temps ensemble. Ces expériences ensemble contribuent chez les gens aux sentiments de confiance, de sécurité, et d’harmonie. Savoir que les autres nous voient pour notre joie et notre sens du jeu enfantin, et pas seulement pour notre souffrance et notre traumatisme, nous invite à nous ouvrir d’avantage à ce qu’il y a en plus.
- Je peux ajouter d’autres choses, mais je suis plus intéressé par ce que les autres ont à partager à partir de leur expérience du partage du Dharma. Que ce soit en tant que facilitateur ou en tant que participant, quelles formes de pratique, de guidance de la part du facilitateur, et autres conditions contribuent à des cercles de partage qui favorisent les visions profondes, la guérison, et la transformation chez les gens? S’il vous plaît, partagez vos visions profondes!
David Viafora, Véritable Montagne Zen, construit des Sanghas Wake Up et offre des retraites dans le Nord Ouest Pacifique depuis trois ans. Depuis mai, avec sa campagne Vanessa, il voyage autour du monde pour faire des recherches et partager sur le développement des communautés laïques intentionnelles de pleine conscience dans la tradition du Village des Pruniers. Pour en savoir plus sur leur exploration des communautés laïques de pleine conscience, merci de visiter: sanghabuild.org.
Commentaire sur “L’authenticité courageuse: le fondement du partage du Dharma”
Chers amis,
Je me retrouve beaucoup dans la description que tu donnes de l’intimité, la vulnérabilité et le sentiment de lien que peut apporter un partage profond.
J’ai eu cette expérience du partage aussi à différents moments : pendant des retraites d’été au Village des Pruniers, pendant des partages au Wake Up Lyon.
En tant que facilitateur, je donne souvent des indications qui, je trouve, vont dans le sens d’un partage plus sincère et plus profond :
– J’évite de proposer de thème de partage. J’ai la sensation que proposer un thème amène souvent dans la tête – « Qu’est-ce que je vais dire ? »
– Je demande aux pratiquants de ne pas répondre à des questions. Une question peut être déposée. Elle n’aura pas de réponse par d’autres participants. (Si vous ne comprenez pas pourquoi, je vous invite à en discuter avec moi ou d’autres pratiquants.)
– Je propose de partager ce qui est vivant pour chacun, aujourd’hui. Peut-être des choses qu’on a jamais dites.
– J’invite chacun à faire des partages sans aucun rapport avec ce qui a été dit par les autres.
– J’invite les participants à ne pas faire de partages qui impliquent les personnes présentes. S’il y a une colère, un jugement sur des personnes du cercle, il est plus adapté de chercher de l’aide d’amis dans la pratique, et de partager ses émotions avec des personnes qui ne sont pas impliquées dans la situation, puis de revenir vers les personnes concernées et d’ouvrir la discussion. Par exemple, il est possible de pratiquer le renouveau.
Ce sont des pistes de réflexion. Je suis conscient que certaines instructions vont au delà de ce qu’on entend par les instructions traditionelles avant le partage. Dans mon expérience, ces propositions permettent de créer des partages plus profonds en créant plus de confiance et d’intimité.
Un lotus pour vous
Bruno