Écrit par Dave Kenneally
Au Printemps 2016, j’ai effectué un appel téléphonique qui allait changer ma vie. Cela faisait quelques années que je lisais Thây, et j’étais prêt à faire le pas suivant. En tant qu’Américain qui avait été éduqué comme Catholique Romain, je ne connaissais rien du Bouddhisme ou de la méditation, et je n’étais bien entendu jamais allé dans un monastère. J’ai donc appelé le Centre du Dharma de la Montagne Verte, à Vermont, qui était le centre du Village des Pruniers de la côte Est des États-Unis à cette époque.
Un frère du nom de Thây Phap Không (frère Vacuité du Dharma) a répondu au téléphone, et il a surtout écouté. J’ai expliqué d’un ton un nerveux que j’étais un Catholique « déchu » et un sérieux pratiquant de yoga vivant à New York, mais que je n’étais jamais allé dans un centre Bouddhiste. J’ai partagé à quel point je m’étais senti ému et guéri en lisant les livres de son maître, et j’ai dit que je voulais des conseils quant à la manière dont apprendre plus. Quand j’ai eu fini de parler, il s’est mis à rire et il a dit avec beaucoup de chaleur et de simplicité, « Viens! Viens ici pour une semaine et rends-toi compte par toi-même! ».
Quelques semaines plus tard, j’étais assis dans leur Salle de Méditation en train de recevoir une orientation sur la façon de pratiquer au monastère, offerte par Soeur Annabel, qui était l’abbesse à cette époque. Avec toute sa grâce et sa puissante clarté, de plusieurs manières, son bref discours a donné le ton à ma pratique pour la journée. De toutes les choses dont elle a parlé, j’ai retenu son insistance sur les Cinq Entraînements à la Pleine Conscience et sur le rôle qu’ils détenaient comme fondement de notre pratique.
Elle a expliqué qu’ils étaient la modernisation de notre maître des cinq anciens préceptes du Bouddhisme, ainsi que la manière dont ils pouvaient nous aider à réaliser la vie d’amour et de compréhension que notre coeur savait possible. J’ai suivi son conseil et j’ai utilisé cette semaine de retraite en partie pour vraiment regarder profondément dans ces cinq courts passages. Les lire m’a excité et inspiré. C’était ce dont j’avais été à la recherche après tant d’années sans boussole morale— une liste concise et poétique des manières dont je voulais vivre ma vie. À la fin de la retraite, je me suis engagé envers moi-même à les pratiquer de tout mon coeur à partir de cette journée. Maintenant, quand je regarde en arrière, dix ans après en tant que moine bouddhiste ordiné, je me rend bien compte de l’erreur dangereuse en laquelle cela consistait.
Tout d’abord, je ne comprenais pas vraiment ce que je lisais. Une enfance dans l’Église Catholique avait fortement empreint en moi une certaine vision de la vie spirituelle, et ainsi, même en tant qu’agnostique professé, je n’ai pu m’empêcher de lire les Cinq Entraînements à la Pleine Conscience comme s’il s’agissait de Cinq Commandements. Je vivais beaucoup de chagrin cette année là et je venais de faire face à une rupture très douloureuse avec une femme que j’avais espéré épouser. Je me sentais perdu et pris de manière désespérée dans des schémas et des habitudes dont je voyais qu’ils m’acheminaient vers la souffrance, mais auxquelles je ne pouvais échapper. J’ai pris les Cinq Entraînements à la Pleine Conscience comme un recueil de lois, et j’espérais que si je les suivais ma vie serait « bonne » et que de ce fait, je serais heureux.
Une lutte qui avait durée tout ma vie contre la dépression et une faible estime de soi m’avait rendu vulnérable à l’usage de ces entraînements comme d’un gourdin supplémentaire pour me frapper moi-même. Quand je sentais que je les pratiquais bien, j’étais bon. Quand ce n’étais pas le cas, j’étais mauvais. De façon encore plus auto-destructive, ce point de vue a rendu d’un coup toute ma vie avant la rencontre avec les entraînements mauvaise et maladroite. En un éclair, j’avais trouvé une façon de condamner et de honteusement rejeter plus de trente ans de ma vie. Il n’y avait eu jusque là rien que profanation.
Ces jours-ci, grâce à des années de mentorat et de soutien faits d’amour, j’ai une vision très différente. Désormais, je traite les Cinq Entraînements à la Pleine-Conscience comme cinq amis chers. Imaginez donc que vous êtes à une fête et que vous êtes sur le point de faire quelque chose de maladroit. Quoi exactement, cela n’a pas vraiment d’importance: trop boire, coucher avec quelqu’un qui ne vous respecte pas, voler quelque chose— vous pouvez y mettre votre propre habitude. Un ami s’avance, et, voyant votre situation, il vous réprimande: « Comment est-ce que tu pourrais ne serait-ce que penser à faire ça ? Encore ? Si tu fais ça, tu es quelqu’un de mauvais. Si tu fais ça, je ne serai plus ton ami ». Est-ce que cela ressemble à ce que dirait quelqu’un auprès de qui on voudrait rester ? Est-ce que cela ressemble à ce que dirait un vrai ami ?
Et pourtant, c’est de cette manière que beaucoup d’entre nous utilisent les Cinq Entraînements à la Pleine Conscience. Imaginez maintenant le même scénario, mais cette fois ci, la façon de communiquer de l’ami est très différente: « Cher ami, je vois bien que tu es sur le point de faire quelque chose de potentiellement auto-destructeur, et je suis là pour toi. Je veux te rappeler les fois où tu a parlé de la souffrance que ce type d’action te cause, et de ton fort désir de faire un choix différent. Tu te souviens des intentions profondes et aimantes que ton coeur a fait naître dans ce domaine ? Indépendamment de ce que tu choisis de faire, je t’aime. Indépendamment de ce qui se passe ce soir, demain, je serai là pour toi ». Cela, ça ressemble à ce que dirait le type d’ami qu’à la fois je veux être et avoir.
C’est ce que sont pour nous les Cinq Entraînements à la Pleine Conscience. Ils sont toujours là, ils nous aident à nous rappeler, à clarifier nos confusions, et à nous ramener à ce que nous sommes vraiment. À notre coeur. Ils ne vont jamais se détourner de nous ou nous abandonner, peu importe à quel point notre chemin peut se faire détourné ou frustrant. Ils sont en eux-mêmes exactement le genre d’amour inconditionnel que nous aspirons à nous donner à nous-même et à offrir au monde. Quand nous nous engageons à les pratiquer, nous ne nous engageons qu’envers nous-même, pas envers une autorité ou un juge extérieurs. Notre maître nous les a offert depuis un endroit fait de tant d’amour et de compréhension que cela ne l’embête pas qu’on pratique un seul ou quelques uns de ces entraînements. Il avait vu clairement que quand on a ne serait-ce qu’un seul véritable ami spirituel à ses côtés, on pratique tous les entraînements.
Tout ce que nous pouvons faire, c’est pratiquer avec ce que nous sommes aujourd’hui, là où nous sommes en ce moment même. C’est le processus d’une vie entière, et c’est pour cela que nous les appelons « Entraînements ». Je prends plaisir à mon entraînement, je vous souhaite bonne chance, et j’espère que vous prenez plaisir au vôtre.