Q: En vous appuyant sur votre expérience de vie, quel est le message principal qui vous aimeriez partager avec la prochaine génération?
Réponse de Thây: Ma génération a fait beaucoup de choses qui sont mauvaises. Nous avons emprunté cette planète aux jeunes personnes, et nous avons fait beaucoup de mal à cette planète. À présent, nous voulons vous la donner, mais notre planète n’est pas ce que nous désirons qu’elle soit. Nous avons honte de cela. Nous avons détruit cette planète à un très haut point. Vous allez la recevoir avec beaucoup de blessures, de dommages, et nous sommes désolés. Nous avons trop emprunté à la planète. Et la planète n’est plus capable de continuer… Elle ne peut plus supporter la situation.
Nous avons trop emprunté à nos enfants et à nos petit-enfants, parce que cette planète leur appartient. Nous ne savons pas si nous sommes en mesure de vous la donner ou de vous rembourser tout ce que nous avons emprunté d’elle. Ce que je souhaite dire, c’est que si les jeunes réalisent ou prennent conscience de ce qui est en train d’avoir lieu, ils devraient s’éveiller aussi vite que possible et prendre en main cette responsabilité. Cela ne peut se faire individuellement. Nous devons nous éveiller ensemble. Il y aura une possibilité d’issue si nous nous éveillons ensemble. J’ai dit au cours de ces dernières années qu’un Bouddha ne suffisait pas. Il devrait y avoir un éveil collectif, et les jeunes doivent s’éveiller. Ils ne peuvent plus compter sur la génération qui les a précédés.
Alors, de quoi avons-nous vraiment besoin? Beaucoup d’entre nous n’ont pas de travail. Certains d’entre nous ont du travail, mais ils n’aiment pas ce travail. Nous voulons un meilleur emploi avec un meilleur salaire. Le besoin est toujours là, même si nous obtenons ce que nous voulons, parce que nous avons encore des besoins. J’ai vu autour de moi beaucoup de personnes qui ont beaucoup de choses dont elles ont besoin: elles ont des repas, une maison où vivre, une voiture à conduire. Elles ont un(e) partenaire, quelqu’un qui les aime, et pourtant, elles continuent de souffrir très profondément. Il semble que même si nous obtenons ce dont nous avons besoin, nous souffrons.
Il y a ceux qui sont riches, mais ils souffrent très profondément. Ceux qui sont très célèbres, mais ils souffrent quand même profondément. Ceux qui sont très puissants et pourtant, ils souffrent profondément. Chacun de nous a besoin de quelque chose de plus que ces titres. Nous avons besoin d’amour et de compréhension. De paix à l’intérieur. Si vous n’avez pas de paix en vous, vous ne pouvez rien faire pour aider d’autres personnes ou pour vous aimer vous-même.
Vous avez besoin de compréhension, mais il semble que la paix, la compréhension, et l’amour sont des denrées rares qu’on ne peut pas trouver au supermarché. On ne vend pas de cela, et nous sommes laissés sur notre faim. Nous avons tous faim. Nous avons faim de paix, de compréhension, et d’amour. Dans l’enseignement du Bouddha, aimer signifie avoir la capacité d’offrir ces éléments. D’offrir de la paix, de la compréhension, et de la compassion, parce que nous avons tous besoin de ces éléments. Si nous voulons être quelqu’un qui aime véritablement, nous avons besoin de nous entraîner à écouter. Vous écoutez la souffrance en vous. N’ayez pas peur.
Revenez en vous et inspirez et expirez profondément. Mettez-vous en contact avec votre souffrance et demandez-vous: »Pourquoi est-ce que je souffre? D’où cela vient-il? », parce qu’il se peut que votre souffrance reflète la souffrance de votre mère et de votre père. Il se peut qu’elle reflète la souffrance de vos ancêtres ou de votre planète. Et votre souffrance contient la souffrance des autres personnes et celle de votre époque. Comprendre votre souffrance, c’est d’une manière ou d’une autre comprendre sa souffrance à elle, ou sa souffrance à lui. Il est très important d’avoir le courage de revenir en soi et de reconnaître la souffrance que l’on y rencontre, de ne pas la recouvrir par le moyen de la consommation, de la musique, des jeux électroniques, et d’autres choses de ce type. Si vous avez besoin d’un frère ou d’une soeur dans la pratique, ils peuvent s’asseoir avec vous et vous aider avec énergie pour que vous puissiez reconnaître la souffrance qui se trouve à l’intérieur de vous et la tenir tendrement comme vous tiendriez un chat blessé ou un chien blessé. C’est de cela dont ils ont besoin et c’est la première chose que nous devons faire. Avoir le courage de revenir en soi afin de reconnaître, de tenir ce qu’on trouve en soi, et d’y poser un regard profond.
Comprendre votre souffrance vous apportera du soulagement, et vous apporterez de la libération. Après avoir compris votre souffrance, vous vous sentez léger et vous pouvez l’aider, elle ou lui, à faire de même. Tel est le miracle au sein d’une relation de couple, et c’est l’amour véritable.
Transcris à partir d’une session de Q&R avec Thich Nhat Hanh pendant une retraite Wake Up Internationale au Village des Pruniers, le 24 août 2010.