Écrit par Khanh Doan
La pratique de la Pleine Conscience, l’enseignement merveilleux du Bouddha, profondément interprété par notre bien aimé Thây, est un miracle qui appuie la transformation de nombreuses vies. En tant que jeune pratiquante, j’ai déjà eu le privilège de goûter au nectar de la pratique dans ce voyage de retour à ma famille et à moi-même. L’histoire que je veux partager avec vous traite d’une transformation miraculeuse, de la façon dont ma famille est devenue ma Sangha.
Notre histoire a commencé à Saigon, une grande ville du Sud du Vietnam, lieu où sont nés et ont grandis la majorité des membres de ma famille. Ce n’est qu’en 2009 que nous avons émigré à Sydney, en Australie. Sortant de la guerre civile après 1975, ma famille, comme la plupart des familles du Vietnam, ont fait l’expérience de très grandes difficultés financières. Pour se nourrir eux-mêmes et pour nourrir leurs trois enfants, mes parents ont travaillé très dur pendant la plus grande partie de leur vie. Comme le commerce familial gagnait en importance et que mes parents étaient si occupés à travailler durant tant d’heures, il devenait normal que je ne les voie pas pendant plusieurs jours de suite ou alors seulement très brièvement au cours de la journée quand ils étaient entre deux tâches. La plupart du temps, je demeurais dans la maison de ma voisine, Mademoiselle Ten, qui est une âme aimante et bienveillante. Elle n’a pas d’enfant à elle, ce qui fait qu’elle s’est occupé de moi avec tout son coeur. L’amour de Mademoiselle Ten m’apporta tellement de joie et de réconfort; mais je désirais toujours ardemment l’amour et l’attention de mes parents.
Ayant eu une éducation vietnamienne traditionnelle, mes parents se montrèrent très stricts envers mes frères et soeurs et moi en pensant que cette manière de faire corrigerait notre comportement et disciplinerait notre vie pour notre propre bien. Cela, combiné au stress que leur causait la gestion de leur propre commerce, amena mes yeux d’enfant et mon coeur sensible à se représenter mes parents sous des traits angoissants et intimidants plutôt qu’aimants. Je ne pensais pas avoir de relation quelconque avec mes parents à cette époque. Je me souviens avoir été une fois fessée vraiment très fort sans savoir pourquoi (probablement après avoir fait une bêtise qui avait contrarié mes parents), ce qui m’amena à aller jusqu’à partir de chez moi pendant une journée pour me cacher chez ma voisine, en insistant pour qu’elle ne le dise pas à mes parents. Ma voisine appela tout de même mes parents qui vinrent me chercher le jour suivant et… me donnèrent une autre session de fessées pour avoir quitté la maison! »L’amour Dur » était la façon traditionnelle d’éduquer les enfants au Vietnam.
Je comprend désormais que mes parents ont fait de leur mieux selon leur savoir pour m’aimer et procurer une sécurité à notre famille, mais ils n’ont pas réalisé que je n’étais pas réceptive à ce type de méthode parentale. J’ai grandi avec une résistance et une frustration si fortes vis à vis de mes parents que bien qu’ils soient devenus plus détendus à mon égard après leur retraite du commerce familial, être aimante et ouverte avec eux continuait de représenter une grande épreuve pour moi. Comme je me mis à travailler et que je finis par obtenir l’indépendance financière, les choses, même, s’empirèrent entre nous. Il ne fut plus possible pour mes parents de me donner un conseil quelconque sans que je me mette à me défendre ouvertement et intensément. J’avais bel et bien un amour et un respect profonds pour mes parents, mais le ressentiment que je portais en moi du fait d’expériences passées était si fort que je ne pouvais pas pleinement leur être reconnaissante, ce qu’ils souhaitaient de leur côté. Tel était la situation de notre relation jusqu’à il y a trois ans.
Je dois rendre tout l’honneur à ma mère et lui exprimer ma reconnaissance pour avoir allumé la première étincelle du feu de la transformation dans toute notre famille et moi après avoir trouvé la pratique il y a quelques années. Après des efforts sans nombre de sa part pour m’introduire la pratique de la pleine conscience, j’ai fini par me joindre à elle pour notre première retraite en avril 2012 avec la Sangha Sen Bup de Sydney. Cependant, mon côté rebelle n’e s’était toujours pas rendu. Je passais la plupart de mon temps à dormir dans mon dortoir ou à me réjouir du paysage de brousse et ne me montrais qu’à l’heure des repas. Les enseignements et la méditation étaient trop terriblement pénibles à supporter -je m’endormais, tout simplement!
Ce n’est que lors d’un enseignement public après la retraite, donné à l’université de Sydney par frère Phap Hai, soeur Luong Nghiem et quelques autres monastiques et qui portait sur les Quatre Mantras de l’Amour, que mon chemin de guérison commença vraiment. Je me souviens encore vivement du sentiment submergeant et pourtant réconfortant de larmes coulant le long de mon visage et adoucissant mon coeur alors que je fondais dans les bras de soeur Luong Nghiem après l’enseignement. Ce fut le moment où les graines du Dharma en moi se trouvèrent arrosées en profondeur et commencèrent à fleurir.
Peu à peu, je me suis rendue à la Sangha avec plus d’attente et j’ai appris la beauté de la pratique de la respiration consciente. Lors de ma deuxième retraite, en septembre 2012, j’ai décidé de prendre plus au sérieux ma pratique en prenant les Cinq Entraînements à la Pleine Conscience, essayant de les appliquer de façon plus profonde dans ma façon de vivre, et pratiquant avec plus de diligence. Les Quatre Mantras de l’Amour se virent doucement intégrés, la parole aimante et l’écoute profonde furent graduellement pratiquées dans notre famille. Mon père ne tarda pas à nous rejoindre ma mère et moi, dans la pratique, ce qui accrut significativement notre énergie collective.
En posant un regard profond sur la nature de notre relation, je peux voir que l’énergie d’habitude consistant en une inflexibilité à propos de ses propres opinions constitue encore une graine très forte dans ma famille. Mon père aime être en contrôle de ce que la famille doit en général faire et de comment la famille doit faire cela. Ma mère a toujours une opinion à propos de la façon dont les objets doivent être agencés dans la maison. Quant à moi, étant une obsédée de la santé et des remèdes naturels, je ne pouvais pas m’empêcher de critiquer le régime de tout le monde et de contrarier ma famille. Bien que cette attitude ait son lieu d’origine dans un soucis aimant appliqué au bien-être de notre famille, l’approche qui était la mienne envers les membres de ma famille était plutôt celle d’un »contrôleur de nourriture » que celle d’un »guérisseur sain ». Bien sûr, cela amena l’effet contraire de celui que je cherchais: tout le monde sortait de la cuisine dès que j’y faisais un pas. Je n’avais pas réalisé la façon dont je touchais la graine d’insécurité dans les membres de ma famille et dont je les faisais se sentir jugés plutôt que soutenus.
Je n’ai pas mis beaucoup de temps pour me rendre compte que j’étais en train de faire exactement ce que mes parents étaient en train de faire – essayer de m’imposer leurs idées. C’est un choix difficile mais gratifiant pour nous d’identifier consciemment l’énergie d’habitude de contrôle dans des moments où la tension monte et de l’appeler par son vrai nom avant de la laisser comme une mauvaise herbe se propager dans tous les jardins de notre esprit, avant de la laisser alimenter les étincelles des flammes qui naissent déjà dans notre coeur. Bien que nous soyons encore tombés dans des endroits lugubres d’innombrables fois, nos conflits se faisaient de moins en moins intenses alors que le temps passait.
Nous étions plus souvent à écouter le son apaisant de la cloche qu’à être engagés dans des disputes aveugles interminables pour savoir qui avait raison et qui avait tort. Nous sommes de plus en plus confiants en la pratique alors que nos fleurs de bonté aimante fleurissent dans notre coeur chaque jour avec chaque respiration en pleine conscience. Au cours de la dernière année, nous avons pratiqué l’assise méditative ensemble presque tous les matins pendant une demi heure. Parfois, nous chantons aussi des Soutras ensemble. Dans notre maison, nous avons installé une cloche de pleine conscience qui sonne toutes les heures pour nous rappeler de nous arrêter et de respirer. Quand nous pouvons avoir un esprit tranquille et clair… ahh… la joie de nous sentir profondément soutenu les uns par les autres est incomparable.
La parole aimante est en train de devenir quelque chose de normal plutôt qu’une pratique embarrassante. Après avoir été les personnes que je craignais le plus et envers lesquelles j’avais le plus de ressentiment, mes parents sont à présent en train de devenir ma Sangha aimante, mes frère et soeur spirituels. C’est quelque chose que je n’aurais même pas pu imaginé il y a deux ans. C’est le nectar véritable qu’offre la fleur de la pleine conscience.
Aujourd’hui, alors qu’il pleut doucement dehors, je ne peux faire autrement que de ressentir cette gratitude profonde envers la pluie du Dharma qui s’insinue avec douceur dans ma conscience et dans la conscience collective de ma famille – ma Sangha bien aimée.
J’aimerais offrir ci-dessous mon interprétation du troisième des Quatorze Entraînements à la Pleine Conscience, la Liberté de Pensée, et un poème inspiré de la pratique de cet entraînement.
Respecter la Vue l’Un de l’Autre
Avec la compréhension de ce que chacun voit le monde avec des idées et des perceptions différentes, je fais le voeu de lâcher prise de mon désir d’obliger les autres à accepter mes idées comme les leurs propres par l’usage de la manipulation sous toute forme de mots ou d’actions déplaisantes. Tout au contraire, je respecterai les pensées uniques des autres autant que je ne prise les miennes. Au fur et à mesure que j’approfondis ma pratique de la compréhension et de l’usage de la parole aimante, j’encouragerai de même tout le monde à cultiver le respect mutuel de chacun.
Dispute Aveugle
»C’est la vérité! » – Tu continues, tu insistes
Mais est-ce à ta vérité ou à la mienne que tu persistes?
Est-ce ta gauche ou est-ce ma droite?
Et on tourne encore et encore dans cette dispute aveugle
Qui dit »J’ai raison et tu as tort! »
»Où que j’aille, tu dois venir dès lors! »
Qui gagne, cela n’a pas d’importance, crois-le ou non
Car même les jumeaux sur la peau n’ont pas les mêmes boutons
Comme il est plat, le monde à une dimension
Regardons en profondeur et commençons à changer notre perception.
Utilisons la parole aimante et pratiquons le Renouveau,
Et témoignons du respect pour les vues de chacun.
– Sydney, le 24 mars 2015
Khanh pratique la pleine conscience depuis plus de trois ans et pratique actuellement avec trois Sanghas à Sydney: la Sangha Sen Bup (vietnamophone), la Sangha Bouton de Lotus (anglophone), et Wake Up Sydney. Elle travaille actuellement comme professeur de Yoga et cuisinière végétalienne.