L’élan de l’amour tourné vers l’intérieur

Écrit par Jonathan Borella

Une question qu’on pose communément lors des retraites de méditation est celle qui s’interroge sur la façon de maintenir l’élan de la pratique une fois de retour chez soi dans « la vrai vie ». Il est commun que des gens fassent part d’expériences d’enthousiasme et de grande énergie pour la méditation qui ne font que s’amoindrir jusqu’à la négligence et le retour des vieilles énergies d’habitude après une courte durée.

Les Enseignants du Dharma offrent de nombreuses techniques et des conseils pratiques pour surmonter ce type d’obstacles. Par exemple, nous apprenons que nous engager à une courte période d’assise méditative chaque jour est un soutien. Ou alors, on nous rappelle que quoi qu’on fasse, ça peut être fait en pleine conscience si on revient à sa respiration. On nous encourage aussi à passer plus de temps à faire des choses qu’on aime et qui nous nourrissent d’elles-mêmes comme la randonnée, le fait de manger de la nourriture saine, et le fait de s’entourer de personnes bienveillantes.

Tous ces éléments forment des aspects importants d’une pratique de méditation mûre et équilibrée, sans aucun doute. Quand nous sommes confrontés à une difficulté de maintenir notre pratique, cependant, il est peu probable que nous soyons capables de suivre n’importe laquelle de ces recommandations pendant une durée qui ne soit pas très courte. Plutôt que de se disperser pour finir par se réaligner aux facteurs extérieurs, une énergie de pratique qui s’appauvrit est une cloche de pleine conscience qui nous rappelle de regarder en nous afin d’examiner la relation que nous entretenons avec nous-même.

L’opportunité d’agir de la sorte avec moi-même m’a été donnée récemment dans le cadre d’un groupe d’étude de Soutras auquel je participais. Dans ce groupe, nous avons la chance d’être accueillis et d’être pris en charge par une Enseignante du Dharma expérimentée. L’occasion particulière dont je vais parler ici a eu lieu au cours d’une session de questions et réponses durant laquelle j’ai posé une question à propos de la première partie du Soutra qu’on étudiait. Quand l’Enseignante a terminé de répondre à ma question, j’ai réalisé qu’elle n’avait même pas abordé la matière de ma question. Plutôt que cela, elle a répondu à la question que j’aurais dû poser. Cette question était la suivante: « Pour quelle raison est-ce que je pratique ? Pourquoi est-ce que je fais cela ? Pourquoi est-ce que c’est important ? Pourquoi est-ce que j’ai choisi de venir vivre dans un monastère ? ». Si nous sommes des pratiquants de méditation, ce sont là des questions que nous devrions nous poser constamment.

Cette réponse était profonde. J’ai réalisé qu’aussi mal que je puisse me sentir par rapport à moi-même, qu’aussi indigne de valeur et d’amour je peux penser être, qu’aussi déficient je crois être, que malgré tout ce que je pense avoir besoin de posséder pour être entier, il demeure un petit noyau en moi qui se soucit de la personne que je suis, qui veut qu’elle soit heureuse, paisible, et libre. Il y a eu soudain une voix dans ma tête qui a dit « Oh mon Dieu, je pense que je m’aime ! ». Et ce n’était pas comme si j’avais tout juste commencé à m’aimer à ce moment là. Bien plutôt, j’ai réalisé que je m’étais aimé depuis le début et que chaque fois que j’avais eu un sentiment d’apathie, de culpabilité, de ressentiment, ou de solitude, chaque fois que j’avais eu des sentiment d’indignité ou de déficience, ça avait été parce que je n’avais pas pris soin de moi.

Dans son enseignement sur les Quatre Nutriments, le Bouddha a dit que la conscience (nos pensées, nos sentiments, nos perceptions, et nos volitions) peut devenir un couteau aiguisé que nous utilisons pour nous poignarder des milliers de fois par jour. J’ai connu des personnes qui se mal traitaient effectivement. La plupart d’entre nous ne sommes pas très différents; simplement, nous utilisons d’autres types de couteaux. La nourriture, les drogues, et l’alcool, peuvent être comme un couteau. L’avidité est un couteau. Internet, la musique, et le sexe, peuvent être comme couteau. Les jugement et les critiques peuvent être comme un couteau. Ça a été une percée pour moi de réaliser que c’est vers ce type d’activités que je me tourne quand je « ne suis pas en train de pratiquer ». Ce sont ces activités qui ralentissent l’élan de ma pratique. Maintenant que je peux voir ces activités comme des différents types de couteaux que j’utilise pour me faire du mal, je sais que je dois faire attention sur la façon dont je m’investis dans ces choses, parce qu’en fait, je m’aime bel et bien.

Occasionnellement, il y a encore des moments où les énergies d’habitude prennent le dessus et où je me retrouve emporté. Mais ces moments passent vite – ce ne sont que des images d’un instant sur un écran radar – et ils surgissent toujours avec une conscience, comme une voix dans ma tête qui dit: « Pourquoi es-tu en train de faire ça ? Arrête ! Je t’aime ».

Alors, il est facile de revenir à ma pratique – de revenir à moi. Il est important d’organiser ma vie d’une façon qui crée de l’espace et de l’énergie pour le repos, la contemplation, et se réjouir de la vie. Mais, ces éléments restent des conditions qui me soutiennent et elles ne peuvent pas durer sans un amour tourné vers l’intérieur. Ce dernier est le moteur qui met en branle l’élan du mouvement.  

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